Quand j'étais animatrice enfance-jeunesse
Avant de lancer Suzette décolle les étiquettes, j’ai travaillé plusieurs années dans le secteur de l’animation socio-culturelle, notamment en tant qu’animatrice ou directrice d’accueil de loisirs, auprès d’enfants, mais aussi auprès d’ados.
Pendant cette période, j’étais aux premières loges pour observer la manière dont pouvaient se reproduire les stéréotypes de genre dans le quotidien des enfants et d’une structure qui les accueille !
J’ai ainsi concocté quelques anecdotes qui peuvent illustrer cette reproduction insidieuse des stéréotypes. Peut-être que cela vous donnera de la matière pour, à votre tour, observer ce qui se joue dans votre structure !
En mini-camps
C’est en partant en mini-camps avec des enfants que j’ai pu observer que les filles se changeaient à plusieurs reprises dans la journée pour adapter leurs tenues et chaussures aux activités proposées (sport, détente au campement, balade, boom, …), contrairement aux garçons dont la tenue tee-shirt – short – baskets s’adaptait à toute situation.
Cela met en lumière que les vêtements et chaussures culturellement associés aux filles ont une visée davantage esthétique que pratique. Les sandales ou autres chaussures ouvertes, les semelles fines, les chaussures qui tiennent mal le pied ne sont pas favorables à la motricité libre : elles rendent difficile le fait de courir, de grimper, de taper dans un ballon, de faire du sport tout court. Hors, en mini-camps, les enfants passent leur vie dehors et les activités de plein air sont centrales.
Par ailleurs, ce changement de tenue vient rajouter une charge : celle de se préoccuper de son apparence et de son confort vestimentaire en fonction des propositions de la journée. Cela peut renforcer le stéréotype de la fille coquette, ou du souci de sa garde-robe.
Néanmoins, c’est à nous, en tant qu’adultes, de réfléchir à l’utilité des vêtements que l’on propose aux enfants : l’objectif est-il de se sentir joli·e, à l’aise, les deux ? Si vous êtes un adulte accompagnant les enfants en colo, ou si vous êtes parent : privilégiez des tenues confortables, qui n’entravent pas le mouvement, et qui s’adaptent à différentes circonstances.
La disponibilité des mamans
En accueil de loisirs (comme dans d’autres structures éducatives), une personne de référence – à contacter en priorité – doit être renseignée dans le dossier de chaque enfant accueilli. Sans surprise, c’étaient les mamans qui s’inscrivaient dans cette case dans la très très grande majorité des cas (du moins dans les structures que j’ai eu l’occasion de fréquenter).
Par ailleurs, la référence aux mamans est également très présente dans nos discours : « maman a oublié de mettre ton doudou dans ton sac », « ton jean est tout sale, c’est maman qui va être contente », « tu as de la fièvre, je vais prévenir maman », « c’est maman qui vient te chercher ce soir ? », … La liste est longue.
Certes, dans certaines familles, il n’y a que la maman, et dans ce cas ce discours est logique. Mais les équipes d’animation connaissent les schémas familiaux des enfants accueillis. Pourquoi la référence aux mamans est alors systématique même si l’on sait qu’un papa existe également ? Ce discours vient insinuer une fois de plus que la maman est la personne de référence de l’enfant, que c’est elle qui est en charge et à contacter en priorité en cas de maladies, de transmissions, etc.
Dans la cour
Encore aujourd’hui, le foot est un sport davantage associé aux garçons, et les garçons sont donc majoritaires à pratiquer ce sport dans les cours de récré (mais aussi dans les clubs ou dans les espaces publics comme les city stades). Cela ne veut pas dire que les filles sont nulles en foot ou qu’elles n’ont pas le droit d’y jouer, mais cela nous montre qu’elles sont moins encouragées à occuper ces terrains – à l’école, à l’accueil de loisirs comme dans les clubs. Ce moindre encouragement découle à la fois des postures des adultes, des freins invisibles (lorsqu’une fille voit qu’il n’y a que des garçons à jouer : est-ce aussi simple de s’intégrer ?), des propos des autres enfants (« on ne veut pas de filles dans notre match », « le foot c’est pour les garçons », « vous êtes nulles ») mais aussi de la faible représentation des sportives dans les médias et productions culturelles.
La place – souvent centrale – du terrain de foot dans les cours de récré pose alors la question suivante : à combien d’enfants bénéficie cet espace ? N’oublions pas que la cour de récré est le premier espace public investi par les enfants. Si l’on encourage un groupe à occuper le centre de cet espace, et à empêcher les autres (de manière implicite) de le traverser, quel message fait-on passer sur la répartition et l’investissement des enfants de cet espace commun ?
Pour y remédier, « les cours non genrées » cherchent à repenser les espaces. Pour cela, je vous invite fortement à regarder les vidéos d’Edith Maruéjouls à ce propos.
Les propos de l'équipe
Complimenter les tenues ou les coiffures des filles, réfréner les pleurs des garçons, faire preuve d’une moindre tolérance envers l’indiscipline des filles, demander aux garçons de ranger le coin voitures et aux filles le coin poupées, dire « ma belle » et « mon grand », … Ce sont tout autant d’exemples qui illustrent comment les postures des adultes peuvent, de manière involontaire, reproduire des stéréotypes !
Pour aller plus loin
Si tous ces sujets vous intéressent, voici une sélection d’ouvrages qui pourra étayer votre réflexion !