Décortiquer le film « Nos jours heureux » avec les lunettes du genre

En tant qu’ancienne animatrice, partie de nombreuses fois en séjours ou mini-camps, j’ai forcément vu le film « Nos jours heureux » (d’Eric Toledano et Olivier Nakache, sorti en 2006) quand j’étais plus jeune ! Vous aussi ?

Sans doute nostalgique du temps des mini-camps, je l’ai revu tout récemment. Mais avec les « lunettes du genre » qui ne me quittent plus, j’ai été surprise de redécouvrir certaines scènes… Je vous fais part ici de mon analyse (et de ma colère) dans les grandes lignes.

Des scènes banalisant le non respect du consentement

Tout d’abord, ce qui m’a le plus interpellé ce sont les scènes où « le non des femmes veut dire oui ». Ainsi, au sein de l’équipe d’animation, à chaque fois qu’une fille dit non, elle est embrassée derrière. Cela entretient le mythe selon lequel « elle a dit non mais en fait elle en avait envie ». Je rappelle au passage que légalement, il s’agit d’agressions sexuelles. Plusieurs scènes de non respect du consentement et d’agressions sexuelles banalisées ponctuent donc ce film, mais sous couvert « d’amour, de passion, de fougue, et de c’est l’été et l’ambiance colo où tout le monde se chope »…

Des relations à sens unique

De plus, dans toutes les relations amoureuses (toutes hétéro) qui se jouent dans ce film, entre adultes ou entre jeunes, on peut identifier le principe actif / principe passif, autrement dit les hommes proposent, les femmes disposent. Ce sont en très grande majorité les hommes qui agissent, font le premier pas, parlent de leurs intentions, se vantent, se battent pour une fille. Et les femmes sont là, comme des objets de désir, de conquête, des trophées. Leurs corps sont jugés et filmés de haut en bas, mais leur point de vue n’est pas entendu.

Banalisation d’une relation asymétrique adulte-ado

Autre chose très choquante : le comportement de l’animateur Daniel envers une jeune. On a bien compris que l’équipe d’animation était bancale dans ce film, mais là n’est pas la question. On parle d’un animateur qui cherche à séduire une ado, la prend sur ses genoux. Et quand un autre ado s’interpose (dans son intérêt personnel de sortir avec la fille en question), la situation se retourne finalement contre lui, pensant qu’il avait mal interprété. NON, une personne majeure responsable d’une ado (ayant donc une relation d’autorité, mais aussi de confiance) ne joue pas de ses charmes envers cette dernière ou la prend sur ses genoux.

Male gaze

Ce qui me fait arriver au concept de male gaze, c’est-à-dire le regard masculin hétérosexuel largement dominant dans la culture cinématographique (et plus généralement la culture visuelle), qui est donc le point de vue adopté dans ce film et qui englobe tout ce qui a été dit précédemment.

Enfin, une posture pédagogique emprise de stéréotypes de genre que j’ai souvent observé en accueil de loisirs : la petite fille mignonne et fragile qu’il faut protéger et que l’on prend tout le temps dans les bras (alias Charlotte dans le film).

Bref, finalement je n’ai pas vraiment pris plaisir à redécouvrir ce film qui pourtant est, à ma connaissance, le seul à parler de cet univers incroyable des camps avec les enfants et les jeunes…

Si vous avez l’occasion de le revisionner, je serais ravie d’avoir votre point de vue !

Suzanne

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